La saison du silence – Claire Mathot

Couverture de La saison du silence de Claire Mathot. On y voit une forêt enneigée en arrière plan. Au premier plan, une mare gelée autour de laquelle des oiseaux sont réunis.

Pour une première lecture de l’année, le choix n’était pas trop déconnant : un bouquin relativement court – 169 pages au compteur – et un résumé qui faisait penser à du post-apo, et quand on me connaît un peu on sait que j’adore me repaître d’un monde en ruines.

Sauf qu’au final, je ne sais pas si c’était du post-apo. La première particularité du bouquin, pas forcément inhabituelle j’en conviens, étant son manque de repères. Nous sommes dans un petit village dont le nom commence par C mais qui ne sera jamais nommé. Les gens qui vivent là n’ont pas de particularité qui permette de dégager une culture particulière, ni même une époque. S’ils n’ont pas l’électricité, la fibre ou Tiktok, ils ne vivent pas non plus à l’âge de pierre. Le village est trop replié sur lui-même pour que l’on ait une idée du monde extérieur, même si l’on sait que d’autres civilisations existent quelque part, et que d’autres ont existé qui peuvent ressembler à la nôtre, mais tout est vraiment trop vague pour se faire une idée concrète.

L’autre particularité du village, digne d’une dystopie, est que personne ne porte de nom. Tous les habitants sont définis par leur Occupation. La majuscule n’étant pas une faute de frappe. Ainsi, on rencontrera le Passeur, qui aide les voyageurs à traverser la rivière qui isole le village du reste du monde ; la Jeune Serveuse, apprentie de la Serveuse ; le Fossoyeur, reclus dans son cimetière. Les enfants en sont réduits à être le Fils du Meunier et de la Crémière. Et chaque place est unique : il ne peut pas y avoir plusieurs Serveuses. Vous voulez être Serveuse ? Convoquez une Destitution ! Le déroulement est simple : soit la Serveuse actuelle vous file sa place de bon gré, devient l’Ancienne Serveuse et décarre du coin, soit vous vous bastonnez pour gagner la place. Et si vous devenez Serveuse, vous pourrez vivre quelques années peinard, avant de vous demander, tandis que vous vieillissez et que votre santé décline, à quel moment un autre (enfant, adulte ou personne venant de l’extérieur) profitera de votre faiblesse grandissante pour prendre votre place.

Plutôt chouette non ?

Ajoutez à ça une atmosphère à huis-clos avec l’hiver qui arrive et donc l’Isoloir qui commence – le village est isolé du reste du monde et c’est chacun pour soi, tant pis pour les cigales qui ont passé l’été à chanter – et vous avez le topo. En début de bouquin, juste avant l’hiver, un voyageur arrive au village et demande sa place. Mais ce voyageur n’est pas un total inconnu et son arrivée va déclencher tout un tas de trucs.

L’histoire ne s’attarde que sur quelques personnages, le reste du village étant peuplé de gens trop préoccupés à gagner une place ou à la garder pour avoir une vie à côté. Les personnages restant sont néanmoins dignes d’intérêt. Si l’Écrivain, confit dans sa rancœur, n’est pas particulièrement sympathique, et l’Aventurier trop distant pour être touchant, reste la Jeune Serveuse et le Fossoyeur qui vont sauver les meubles, insuffler au récit l’humanité qu’il lui manquait et en faire ce qui est à mes yeux un quasi-sans-faute. À ma connaissance, c’est un premier roman, et j’ai lu trop de premiers romans dont je me suis demandé comment ils avaient pu passer le moindre comité de lecture pour ne pas être admirative devant La saison du silence. Le tableau que j’en ai dressé semble sans doute sombre mais j’y suis retournée sans traîner les pieds, parce que je voulais savoir ce qui allait arriver à ces deux-là, que j’étais contente de les voir évoluer. C’était chouette. On n’est pas sur du coup de cœur, mais sur du suffisamment qualitatif pour que ça me reste dans un coin de la tête un petit moment. En somme, un bon petit démarrage pour 2025.

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