Le mensonge suffit – Christopher Bouix

Couverture de Le mensonge suffit de Christopher Bouix : le visage d'un homme en gros plan, côté gauche normal, côté droit androïde

Une fois n’est pas coutume, un bouquin de Christopher Bouix me pousse à trouver un moment pour pondre un billet. Ce fut une lecture surprise qui plus est, parce que j’avais complètement loupé la sortie du bouquin, et que je m’étais bêtement mis en tête pour aucune raison qu’il y aurait de nouveau un laps de temps de deux ans d’ici son nouveau. Le triptyque initié par Alfie (que j’avais adoré) et Tout est sous contrôle (que j’avais beaucoup aimé) est donc clos un peu plus tôt que ce que j’aurais cru. Bon, j’attends certains bouquins depuis une décennie voire plus donc je vais pas m’en plaindre.

Je ne dirais pas que j’y suis allée à reculons, mais presque. J’avoue que la seule mention du mot « IA » au dos d’un bouquin me file de l’urticaire mental ces derniers temps, non pas parce que j’en ai trop lu mais parce que j’assimile ça à trop de conneries qui peuplent fatalement l’actualité et collent à la peau de certaines personnes de mon entourage que j’ai envie de secouer très fort. Mais en fait, c’est ok – on est sur de l’androïde, donc une forme suffisamment lointaine des lignes de prompts de l’autre machin pour que mon cerveau ne fasse pas trop le lien.

Retour au huis-clos pour Le mensonge suffit. Un citoyen, Ethan Chanceuil, est enfermé dans une pièce avec un androïde, Milo-128. Leur dialogue de 120 minutes est retransmis en direct pour des milliers de métaspectateurices lobotomisés depuis sans doute plusieurs générations et qui devront, une fois le délai écoulé, décider si Ethan est coupable ou innocent. Le chef d’accusation ne sera révélé qu’un peu plus tard dans le bouquin, au terme d’un exposé cru de la vie d’Ethan par Milo. L’occasion de poser le cadre de la société dans laquelle évolue le roman – qui n’est, si je ne me trompe, pas tout à fait celle des deux autres bouquins de l’auteur, mais qui en reprend les aspects les plus sombres, en plus de faire de multiples clins d’œil à ces deux tomes – : univers dystopique où, sous couvert de bienveillance, chaque citoyen est dûment fliqué et jugé, sous bien des formes, par le gouvernement aussi bien que par son voisin. Le roman nous place également du point de vue d’un citoyen lambda : tout est une retranscription de la vidéo, les paragraphes entre les lignes de dialogue étant en fait une voix off qui commente l’action et fait du placement de produit au passage. On a même droit à de vrais pubs en images dont certaines qui ne détoneraient pas tant que ça dans notre réalité. Ambiance ambiance.

Ceci dit, même si je ne butais pas sur ma lecture non plus, le début m’a paru presque trop facile. C’est bien écrit, on sent la maîtrise, mais est-ce qu’on ne serait pas un peu trop en terrain connu ?
Là où la digue a cédé pour moi, c’est à peu près vers le milieu du bouquin, où un choix est proposé à Ethan et que le niveau de cynisme atteint un niveau que je n’avais pas vu dans un bouquin depuis longtemps. J’ai lu le reste d’une traite (en me planquant un peu vu que bon, j’étais au boulot). C’est l’escalade après ce passage, et c’est maîtrisé comme dans les bouquins précédents, et m’accrocher virtuellement à mon siège m’a été nécessaire.

Il m’a semblé avoir lu une interview de l’auteur qui disait qu’il était malgré tout optimiste envers la nature humain. Bon, ça se voit pas trop hein. L’acte V a fini de m’achever, j’ai pris un thé, suis sortie vapoter en plein cagnard et je me suis dit que ouaip, c’est son meilleur. J’avais une préférence pour Alfie avant ça mais définitivement, c’est une fin énormissime pour cette trilogie. Je ne sais pas ce que l’auteur nous réserve ensuite (dans un monde parfait il écrirait un truc avec Jean Baret), j’imagine que ce n’est pas plus mal de, peut-être, se détacher du thème, même si j’en lirais bien encore un peu. Mais je vais dire un truc que je dis rarement : même s’il écrit de la blanche après, je le lirai.

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