Le grand voyage – Érik L’Homme

Pour ce que j’en sais, Érik L’Homme fait figure de valeur sûre dans le milieu de la littérature jeunesse avec plusieurs cycles considérés comme classiques et même une bibliographie étudiée en fac. Du coup, pour ce premier roman de 2024, je m’attendais à avoir doit à une lecture plutôt chouette, et pas à cette semi-déception qu’il me reste une fois la dernière page lue.

Le grand voyage, c’est donc l’histoire de Victor, l’année de sa rentrée au collège. Victor a perdu sa mère, percutée par une voiture, peu de temps avant, et vit avec son grand-père, son père étant inconnu au bataillon. Au collège,il retrouve Fanch, son pote fait à l’école primaire, un gosse un peu maladroit mais toujours gentil, un peu délaissé par ses parents accaparés par leur métier d’agriculteurs. Tous deux vont rencontrer Léonie, jeune fille intrépide et à la chevelure rousse flamboyante,fille du directeur et par là-même mise à l’écart des autres enfants.

Hum, un orphelin, un gosse un peu maladroit et une jeune fille rousse qui forment dès le début de l’année un trio inséparable. C’est marrant, ça m’évoque un truc.

Mais je suis injuste. On ne me fera pas croire que les similitudes avec vous-savez-quoi sont un pur hasard, mais il ne s’agit pas de copies conformes non plus. Victor est loin d’être un élu, Léonie n’est pas une insupportable miss-je-sais-tout. Bref, passons.

Victor a du mal, ce qui se comprend, à supporter le décès de sa mère. Aussi, quand en classe sont abordées les légendes bretonnes (d’ailleurs, ça s’étudie vraiment là-bas ? Je sais qu’on fait les récits fondateurs au collège, mais les légendes bretonnes ?) et qu’il apprend le lore qui entoure la figure de l’Ankou, il se met en tête que passer dans le pays des morts est possible, et qu’il va pouvoir, avec l’aide de ses amis, ramener sa mère dans le monde des vivants.

J’avais lu que le bouquin est long à démarrer, et j’imagine que ça dépend de la tolérance de chacun, mais pour m’engouffrer des pavés de fantasy régulièrement, une “grosse” intro de 80 pages et quelques ne me semble pas, justement, être “grosse”. De plus, le style, sans être forcément exceptionnel, est maîtrisé. Ça se lit tout seul.

Maintenant, sur le fond, je retrouve dans ce livre ce que je reproche souvent aux bouquins jeunesse. Pour commencer, un certain manque de profondeur et de nuances. Armés de connaissances glanées sur internet, les trois amis arrivent donc trankilou sur la charrette de l’Ankou (visiblement, il a fallut attendre des siècles pour que trois gosses de 6ème pensent les premiers à faire ça) puis dans le pays des morts. Révéler exactement ce qui me dérange serait un spoil, mais on est sur une vraie aventure linéaire, et extrêmement prévisible, à cause d’un élément précis (l’élément de spoil donc. Au final, c’est l’auteur lui-même qui nous spoile quand j’y pense). Une fois qu’on a compris l’astuce, on peut considérer avoir lu un synopsis complet du voyage. Je trouve ça extrêmement gênant que ça n’ait pas été un peu plus cryptique (coucou la prophétie à double sens dans Sirem et l’oiseau maudit o/).

Bon, après, c’est une histoire gentille. Les gentils sont vraiment gentils, pour être honnête l’amitié entre les trois, les rapports entre Victor et son grand-père, sont plutôt mignons, et les méchants sont vraiment méchants. C’est un peu lisse. Et prévisible. C’est joli quand même. Le deuil est traité sans apitoiement, les problèmes relationnels entre parents et enfants aussi. Mais quand je vois que le bouquin est classé entre 9 et 12 ans chez l’éditeur, je pense vraiment qu’on aurait pu être un chouïa plus complexe au niveau de l’intrigue et des relations (et mettez des intrigues secondaires bon sang. Ça n’est pas parce qu’on s’adresse à un public jeunesse que les intrigues secondaires sont facultatives). C’est aussi sans doute une bonne façon d’aborder les légendes bretonnes, que je ne connais pas assez pour déterminer ce qui fait partie des traditions ou ce qui sort de la tête de l’auteur.

Je reste quand même sacrément sur ma faim. Ça ne m’empêchera pas de me pencher sur les gros classiques de l’auteur, mais la déception aidant, ça ne fait pas vraiment partie de mes priorités.

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