Tout est sous contrôle – Christopher Bouix

En 2022, Alfie avait eu un petit succès autour de moi, y compris parmi les membres du café des lecteurs de la médiathèque du coin, pourtant relativement hermétiques à tout ce qui touche de près ou même de loin à la SF. Alfie était fun mais grinçant, et facile à lire. Il fallait forcément que je me penche sur le nouveau bouquin de l’auteur pour voir s’il s’agissait d’un coup de bol ou si la qualité allait se maintenir.

Tout est sous contrôle pourrait se passer dans le même univers, même si cela n’est pas précisé. Là où Alfie se penchait sur la domotique, l’IA, et était écrit d’un point de vue unique (celui de l’IA de la famille en fait, qui se mettait à mener l’enquête, et franchement lisez-le si ce n’est déjà fait), Tout est sous contrôle est un roman aux multiples POV dans un univers où le statut social de chacun dépend de son niveau de bonheur. Niveau de bonheur calculé selon les actions, les posts sur les réseaux sociaux, ou encore les interactions sociales des personnes. Du coup, tout est fliqué, et si la technologie qui figure dans le roman n’est pas encore d’actualité à l’heure où j’écris ces mots (on n’a pas encore démocratisé le port d’implants oculaires qui enregistrent tout, encore heureux), on peut finalement très vite faire le parallèle avec la course à la popularité et à la mise en scène des réseaux à l’heure actuelle.
L’indice de bonheur est au final là pour remplacer la notion de richesse : plus il est élevé, plus les avantages vont être nombreux : pouvoir vivre dans de meilleurs quartiers, avoir accès à de meilleurs jobs,… et surtout, le but ultime pour l’un des couples qui apparaît dans le roman, avoir accès à la procréation. Parce qu’on ne voudrait pas qu’un enfant naisse dans une famille malheureuse, non ? Nous suivrons d’autres personnages, tous perturbés d’une façon ou d’une autre par le monde dans lequel ils évoluent.

Au début de ma lecture, je me suis dit que c’était peut-être là quelque chose que j’avais déjà lu ailleurs, mais Tout est sous contrôle sait garder sa singularité. L’univers est franchement glaçant, cette course aux posts les mieux tournés qui ne sont au final qu’une façade, cette obsession de vouloir faire grimper un indice qui ne repose que sur du vent, ce flicage continu (et volontaire !) des personnages par le gouvernement qui les pousse à s’auto-censurer, ou à avoir des dialogues dignes de comédies à l’eau de rose alors même que l’on sait le personnage sur le point de partir en vrillle… Même si j’ai pas mal de fois pensé à Jean Baret et à sa trilogie Trademark (que j’aime d’amour, et qui va beaucoup plus loin dans le cynisme et le grinçant), Tout est sous contrôle est peut-être plus perturbant sur un point : il est plus proche de nous, car on a déjà un pied dans ce genre de système.

Tout est sous contrôle parle donc surtout – et il le fait bien – de la tyrannie de l’apparence, de la superficialité, de l’obligation de rester dans les clous sous peine d’être mis au ban de la société, mas également de traumatismes divers (TW maternité et violence psychologique) et, chose déjà abordée dans Alfie, du flicage permanent de l’individu. L’intrigue en elle-même est bien menée, avec un côté polar déjà trouvé dans le précédent bouquin de l’auteur (mais cette fois, ça ne spoile pas un Agatha Christie que je n’ai pas encore lu, hahem), et je n’ai honnêtement pas vu venir certains points sur la fin. Le style reste aussi fluide qu’Alfie et j’ai été contente de retrouver cette plume.

En bref, je suis ravie d’avoir lu ce deuxième ouvrage de Christopher Bouix. C’était à nouveau une chouette lecture, peut-être plus cinglante et moins drôle qu’Alfie, dont certains passages m’avaient vraiment fait rire, mais j’y ai retrouvé à nouveau des sujets très intéressants et bien traités sans en faire des caisses. C’était pile ce qu’il me fallait, et pile au bon moment, et je me jetterai sans aucun doute sur le prochain qui sortira

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