Dans le ventre de Fianna Sinn – Fanny Chartres

Couverture de Dans le ventre de Fianna Sinn : on y voit une maison perdue dans la brume, derrière une barrière. Quelques oiseaux sont visibles en avant-plan

Repérage imprévu sur le planning des sorties de noosfere, Dans le ventre de Fianna Sinn est sorti ce mois chez M+ de L’école des loisirs et est donc accessible à partir de 13 ans (mais vous pouvez le lire à 40, 50 ou 60. Évidemment). Il contient néanmoins une flopée de TW qu’il vaut mieux connaître avant de le mettre dans les mains de n’importe qui :

Voir les TW
violence physique, violence psychologique, avortement, mort.


Cela dit, voilà le topo. Nous sommes en Irlande en 1993. Abigeál emménage avec sa famille dans une vieille maison perdue en forêt. Abigeál est une ado, avec tout ce que cela implique : les changements constatés dans son corps, ces règles qui la font souffrir sans être pourtant déclarées, et sa remise en question naissante du monde. Sa famille, composée de plusieurs enfants, d’un père qui mène son petit monde à la baguette et à la religion, et une mère qui s’est peu à peu laissée soumettre.
Sitôt arrivée dans cette vieille maison, des phénomènes étranges commencent à s’y dérouler : des objets qui disparaissent, des apparitions fantomatiques… Abigeál adore les histoires d’horreur et en lit régulièrement avec son petit frère – alors est-ce son imagination ou y a-t-il vraiment quelque chose d’anormal qui se produit dans cette maison ?

Dans le ventre de Fianna Sinn est une excellente surprise. Parce qu’il démolit le patriarcat et la religion dès les premières pages, et qu’il le fait bien, sans forcer. D’aucun parleront de caricature en ce qui concerne le père, fervent catholique, mais avec l’actualité de ces derniers temps, peut-on encore parler de caricature ? L’Irlande a de toute manière un assez lourd passé à ce sujet. L’intrigue touche d’ailleurs à l’un de ces faits historiques particulièrement dégueulasses, qui mérite lui aussi des spoilers,

Spoiler
à savoir les blanchisseries Madeleine, où des femmes et des enfants étaient enfermées dans des conditions misérables et forcées à travailler pour « laver leurs pêchés ».

Abigeál est un personnage particulièrement attachant. Sa remise en question du monde, sa révolte presque, est salvatrice aussi bien pour elle que pour d’autres personnes de sa famille. Sa relation avec sa mère, plus particulièrement, est touchante. Sa mère, qui a vu ses rêves et sa personnalité s’effacer peu à peu sous le joug du père, qui est épuisée à tous points de vue, et qui va peu à peu sortir de sa torpeur. Mention spéciale également aux petits vieux sympas de la maison de retraite où Abigeál travaille de temps à autre. Seul petit regret : un revirement peut-être un peu trop rapide de la part de l’un des personnages, sur la fin de l’intrigue.

Honnêtement, j’avais craint de lire un copier/coller de Les errantes de Jo Witek, et l’un a d’ailleurs peut-être inspiré l’autre. Si chez Jo Witek aussi des fantômes se manifestent pour les mêmes raisons, les deux histoires sont quand même relativement différentes, pas à la même époque, pas dans le même contexte.

Dans le ventre de Fianna Sinn est un excellent roman et une excellente surprise de début d’année, que l’on soit le public cible ou pas.

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