La monture – Carol Emshwiller

Couverture de La monture représentant une créature sur les épaules d'un humain

La monture, c’est ma lecture frustration de ce déut d’année. Et pourtant, sur le papier, ça démarrait bien. Les Hoots, créatures extraterrestres, ont un jour débarqué sur Terre et, après s’être demandé ce qu’ils allaient bien pouvoir faire de ces humains un peu cons, ont décidé de les réduire à l’état de bêtes de selle. Les Hoots, après tout, ont des jambes trop faibles pour les porter. C’est tout un système qui s’est mis en place, avec des sélections, des « races » d’humains plus ou moins prestigieuses selon leurs capacités à la course, un asservissement total, une culture littéralement jetée aux oubliettes et une reproduction contrôlée.
L’histoire débute bien après leur invasion, alors que ce système d’asservissement est déjà bien rodé.

Après un premier chapitre bien pensé voire glaçant écrit du point de vue d’un hoot qui parle à sa monture et qui pose les bases de leurs relations – condescendance et violence sous couvert de « Oui mais on vous traite bien » – nous sommes emmenés du côté de Smiley – ou Charley, de son nom humain – qui va raconter la suite de l’histoire pour la quasi-intégralité du reste du récit. Suite à quelques évènements, Charley va se retrouver, avec son maître hoot, jeté dans la nature.

La monture, ça parle de l’asservissement d’une espèce sur une autre, de privation de liberté, d’esclavage. Alors, ça AURAIT DU me plaire. D’ailleurs, j’adhère à chacun des propos exposés ici. Alors, pourquoi me suis-je sentie à des années-lumières de l’intrigue ? Je me pose encore la question.

Peut-être le point de vue de Charley ne me convient pas. Entendons-nous, tout ce qu’il nous raconte colle au propos, vraiment, l’intégralité se tient, ça coule de source. Charley est totalement asservi au système, son plus grand rêve est de faire des courses hippiques, de se faire un nom en tant que monture, et ce même quand d’autres essaient de lui faire comprendre l’injustice de son sort. Un bon gros lavage de cerveau en somme, qui est particulièrement réussi. Et pourtant un mur, un foutu mur s’est dressé entre lui et moi. Je prenais plus à cœur le sort d’autres de ses comparses croisés au fil des pages que le sien. Le style n’aide pas, Charley ayant été volontairement peu éduqué ; la syntaxe est parfois pénible, sa manie de passer du coq à l’âne, tant en terme de sujets que d’intentions, aussi. J’ai décroché, plus d’une fois, avant de me rendre compte que j’avais perdu le fil depuis plusieurs pages. Mais tout ça est logique. C’est normal, bon sang. C’est probablement ce qui se passerait dans la tête d’un gamin de onze ans élevé dans des conditions similaires.

Entendons-nous, le problème n’est pas un manque d’empathie de ma part. L’envie que Charley sorte de ce mode de pensée, qu’il s’en sorte tout court, qu’il arrête de vouloir récupérer ce foutu portrait de sa mère mais prenne plutôt les choses en main, était bien présente. Mais l’attachement au personnage était très lointain, comme une présence qu’on sent vaguement trente mètres derrière soi.
La fin rattrape un peu les choses – un peu. Quelques scènes soulignant à nouveau la perversité des hoots, Charley évolue, enfin, mais trop tard pour ma part.

Je réalise que j’ai à peine évoqué Petit-Maître, le hoot qui accompagne Charley au long du récit. Le personnage a le mérite de sortir au fur et à mesure du récit du schéma de pensée de son peuple – à l’exception de quelques scènes, mais n’oublions pas qu’il s’agit également d’un enfant. L’amitié qui lie les deux personnages est particulière, quelque peu dérangeante. C’était une évolution intéressante à suivre, mais ça n’a pas suffit, là non plus, à me lier au récit.

La frustration, donc. Qui sait, peut-être que le mood n’était pas le bon, et que reprendre le bouquin un jour hypothétique où j’en aurai le temps changerait totalement mon point de vue. En plus, je les aime bien, chez Argyll, j’avais pour l’instant aimé chacun de leurs bouquins qui m’est tombé entre les mains, et ça ajoute à la frustration.

La monture n’est PAS un mauvais bouquin, malgré tout ce que j’ai dit. J’insiste. Je vous encourage fortement à le lire, si il vous semble intéressant. Avec du bol, vous y serez moins hermétique que moi. Pour ma part, je reconnais quand même les qualités du roman et n’hésiterai pas à tenter d’autres récits de l’autrice si l’occasion se présente.

Un long avis quelque peu similaire chez le Syndrome Quickson ; Yuyine a un avis plus positif.

1 Comment

Add Yours →

Laisser un commentaire