Grande fan de Murakami pendant une bonne décennie, j’avais fini par me lasser autour de la parution du Meurtre du commandeur il y a 5 ans, que j’avais ouvert sans grande conviction pour ne jamais le finir. « Lasser » est le bon mot : si Murakami est constant voire en progression sur la qualité de ses bouquins, les sujets et l’ambiance n’ont eux, pas assez évolué à mon goût. C’est toujours cette pointe de fantastique et d’onirisme vécue par un personnage relativement apathique. La cité aux murs incertains ne fait malheureusement pas exception. C’est toujours bien écrit, c’est toujours porteur d’émerveillement, mais c’est toujours la même chose. Ce que Murakami fait, il le fait bien, mais il est incapable d’en sortir.
Quelques mots sur l’histoire : le narrateur débute en parlant de son adolescence et de sa rencontre avec une fille, avec qui il entretiendra une correspondance entre deux rencontres physiques. Elle lui avoue que si son corps est là, sa véritable personne vit ailleurs, dans une cité entourée d’un mur inébranlable, où chaque entrée est dûment gérée par un gardien, où l’on doit abandonner son ombre avant d’entrer, où vivent des licornes, et où elle travaille dans une bibliothèque où l’on ne trouve pas de livres mais des vieux rêves. En parallèle, nous suivons le même narrateur, plus âgé, qui a élu domicile dans cette Cité.
Là, je dois reprocher un truc à l’édition française. Pendant les bonnes 30 premières pages, j’ai passé mon temps à me dire « Bordel, j’ai déjà lu ça, il a déjà écrit ça », puis « C’était pas le pitch de La fin des temps ? » et puis « Bordel, c’est une retraduction et je me suis fait avoir comme une bleue ». Je n’avais pas La fin des temps sous la main mais une recherche sur le wiki anglophone (aux dernières nouvelles, ça n’était pas précisé sur la page francophone) m’a confirmé qu’il s’agissait bien d’une histoire dans le même univers (pas une retraduction, heureusement, j’aurais ragé). Si j’en crois la postface de l’auteur, il s’agit même d’une réécriture. J’ai retourné l’édition française dans tous les sens et je n’ai pas trouvé la moindre allusion à ça. On m’a dit que l’éditeur avait peut-être peur que l’éventuel acheteur ne recule, pensant qu’il fallait se taper La fin des temps avant. Personnellement, je pense que c’est prendre le lecteur pour un con de s’imaginer qu’il ne va pas comprendre une phrase telle que « Dans le même univers mais peut se lire séparément ».
Bref. Ma lecture de La fin des temps remonte à trop longtemps pour que je puisse faire un réel comparatif. Si je l’avais su avant, je pense que j’aurais fait l’effort de le relire. Tant pis.
Passé la contrariété, je dois dire que je me suis laissée convaincre. Oui, c’est l’univers familier. On sait où ça va nous mener, on connaît déjà ces frontières floues. Je sais déjà que ça va alterner entre passages WTF et descriptions de la vie quotidienne du personnage qui va se chercher, peut-être même se trouver un peu. Je sais qu’on va croiser des personnages qui dénotent dans cette société japonaise. Je sais que je n’aurai pas toutes les réponses aux étrangetés de l’univers. Malgré tout, j’ai réussi à me couler dans cette histoire comme dans un bon vieux fauteuil que j’aurais un peu délaissé parce qu’il est moins confortable que mon rocking-chair, mais dans lequel j’aime bien m’asseoir de temps en temps pour la nostalgie.
À noter que pour une fois, il n’y a pas de scène de sexe un peu akward. Je ne dirais pas qu’il y en avait toujours une avant mais ça arrivait assez souvent pour que je m’y attende à chaque page. Ça n’est pas arrivé. Tant mieux.
Ça aurait peut-être été plus intéressant de faire le comparatif avec La fin des temps SI JE L’AVAIS SU, du coup mon avis est le suivant : La cité aux murs incertains c’est un Murakami tout craché, et un bon Murakami. Si vous n’avez jamais lu l’auteur, vous pouvez y aller les yeux fermés, toute son essence est là. Si vous le connaissez bien, vous serez en terrain déjà balisé. Reste à voir si ça vous convient, ou pas.