Les douze d’Aritsar, tome 1 : La vengeance de la dame – Jordan Ifueko

Couverture du tome 1 de la série Les douze d'Aritsar

« Elle était née pour le tuer. Elle a promis de le protéger. ». Si l’on fait abstraction de cette catchprase au dos du bouquin qui est au mieux pas très claire, au pire un peu clichée (« Nooon pas une énième romance pitiay ») et que l’on se plonge dans le livre, il s’avère que ce premier tome est une sacré bonne surprise.

Reprenons du début : Tarisaï est née dans un palais isolé de tout et a été élevée de manière très stricte par des précepteurs, sa mère, froide et distante, étant toujours partie en vadrouille on ne sait où. L’absence maternelle, ainsi que le manque de reconnaissance de se part, sera évidemment vécu comme une souffrance par la jeune fille.
À ses onze ans, Tarisaï est envoyée à la capitale pour participer à une sélection qui déterminera qui seront les conseillers du jeune prince Dayo, futur empereur d’Aritsar. Être conseiller dans le royaume, c’est du ad vitam æternam : on est lié à l’empereur et à toutes les autres personnes de son conseil, le moindre éloignement en solitaire provoquant une bonne grosse souffrance physique. Accessoirement, et sans partir dans les détails du truc, une fois le Conseil formé au grand complet, l’empereur/le futur empereur devient quasi-immortel, puisqu’à chaque fois qu’un conseiller est définitivement lié à lui, cela le protège d’un fléau en particulier (poison, feu,…). SAUF si l’attaquant fait partie de son Conseil. Wink.
Pour finir de poser les bases : avant de quitter la maison familiale, Tarisaï a appris deux/trois trucs sur son existence, notamment qu’elle est la fille d’un djinn que sa mère a un chouïa soumis avant de formuler trois vœux, et que son dernier sera le suivant : dès que Tarisaï fera partie du Conseil, elle devra tuer Dayo.
Alors oui, forcément, je suis partie sur l’hypothèse de « Elle va tomber amoureuse de lui et blabla » et en fait c’est hyper plus complexe que ça.

Déjà parce qu’on est sur un petit pavé de plus de 400 pages et que quand c’est bien écrit (c’est le cas), ça laisse assez de place pour développer un peu plus les personnages. Le tome se déroule également sur plusieurs années, avec donc des personnages qui grandissent et gagnent en maturité. Le seul reproche que je formulerais à ce sujet serait que le plus gros des membres du Conseil sont peu développés, voire passés sous silence – mais ce sera peut-être pour le second tome.
Mais c’est surtout l’univers archi-riche qui m’a impressionnée. On a droit non seulement à un vrai background avec une magie équilibrée (bon, on est un peu sur de la Marie Sue sur une scène vers la fin, mais admettons…), mais surtout à une société bien complexe, avec des états aux mœurs et coutumes différents, certains systèmes relevant de l’injustice profonde – notamment ce sacrifice annuel aux démons censé être équitable mais dont la responsabilité ne retombe, comme de par hasard, que sur un seul des états.
Et c’est là qu’on peut le dire, oui, ce bouquin cause aussi politique. Tarisaï et ses pairs sont, après tout, censés devenir responsables de tout ce beau petit royaume, et nous voilà donc spectateurs, tout comme elle, des décisions prises pour gérer le royaume, avec ses injustices criantes, sa misogynie et ses tentatives de répression sous couvert de bons sentiments. Mention spéciale pour cette proposition de loi pour améliorer la vie et l’éducation des orphelins à laquelle des gens plus haut placés répondront « Haha lol non, on va plutôt organiser une journée de charité pour soulager la conscience des riches ».
C’EST TELLEMENT ÇA.

Je ne voudrais pas vous gâcher le plaisir de la découverte en en disant plus, mais l’aspect politique est en tout cas bien développé en cours de bouquin, avant de retomber dans de l’intimiste sur la fin qui, sans être totalement inattendue, est plutôt chouette. Sans parler de charnier total, l’autrice n’hésite pas non plus à taillader un peu tout ce petit monde, c’est rondement mené et ceci, allié à un univers inspiré des origines nigérianes de l’autrice, loin donc des habituels romans jeunesse se déroulant au choix en Europe ou aux États-Unis, apporte une vraie fraicheur. Un second tome est prévu mais, alors que j’écris ces lignes, je me rends compte que la date de sortie annoncée sur laquelle j’étais tombée lors de ma lecture à tout simplement disparue des radars. J’espère qu’il s’agit là d’un simple report et non d’un abandon de parution tant la diversité et la profondeur de cette saga me semblent nécessaires dans le paysage YA actuel.

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